Comment la France protège les chiens ?
Le sujet de la condition animale, d’actualité ces dernières années, porte très souvent à débats en politique et génère de vives tensions au sein des hémicycles. Le sujet du bien-être animal oppose en général deux groupes aux idées divergentes : ceux qui ne voient pas de problème à accepter les actes de maltraitance, et ceux qui souhaiteraient offrir de meilleures conditions de vie aux chiens. Mais comment les politiciens s’emparent de la question et comment la justice les protège ?
Quelles est la place des animaux en politique ?
L’ancien député Loïc Dombreval, qui a justement œuvré pour l’amélioration du bien-être animal en élevage à plusieurs reprises, rappelle qu’il faudrait sortir du combat perpétuel entre les deux blocs : “Il faut donc être extrêmement attentif à proposer non pas des révolutions en matière de condition animale, mais probablement des évolutions.”
Si certains trouvent ces évolutions lentes, d’autres les trouvent trop radicales. Il est donc important de proposer des améliorations progressives pour ne pas brusquer la population et créer une résistance aux évolutions en faveur du droit des animaux : “les petits changements seront plus faciles à accepter que les grands, l’idée sous-jacente est que le coût du changement pour un individu est croissant : plus le changement qu’on lui demande d’effectuer sera important, moins il sera enclin à l’accepter” précise Renan Larue dans son ouvrage La pensée végane : 50 regards sur la condition animale.
Depuis de nombreuses années, des associations comme 30 millions d’amis, la SPA et la fondation Brigitte Bardot se battent pour protéger les animaux contre les actes de maltraitance. Nous connaissons par exemple les campagnes de sensibilisation annuelle aux abandons par la SPA, les enquêtes et des sauvetages d’animaux par des associations, ainsi que leur implication devant les tribunaux pour être la voix des sans voix, et ainsi obtenir justice pour eux.
Par exemple, en 2021, un homme a écopé d’une peine très légère pour avoir battu et brûlé un chiot dénommé Iboo, qu’il avait fini par abandonner vivant dans un conteneur poubelle. Des voisins du prévenu avaient alerté les services de la SPA et avaient été entendus par les services de la police, afin de dénoncer les actes de cruauté subis par le chiot de leur voisin. Ils avaient alors relaté des faits très inquiétants : le propriétaire ne semblait pas s’occuper de son chien, et pire encore, ils auraient aperçu la présence de plaies et de blessures sur le corps du chien, qui semblait battu et brûlé. Ils auraient entendu des cris de supplices jours et nuits de la part de l’animal qui était martyrisé, des coups, des bruits brutaux, comme si l’animal avait été projeté contre un mur ou contre un lit. Lors de son audience, le prévenu avait indiqué avoir acheté le chiot à un SDF dans la rue, et avais admis lui avoir donné des coups de pied de temps en temps. Néanmoins, pour se dédouaner des accusations de brûlure formulées à son encontre, le prévenu avait allégué avoir probablement brûlé son chiot et crevé son œil par inadvertance, lors d’un bain trop chaud. Pourtant, les vétérinaires ayant auscultés le chiot avaient relevé la présence de lésions ulcératives sur la quasi-totalité du dos de l’animal, résultat d’une forte inflammation de la peau ayant pu être causées par un produit caustique, qui avait pu également causer un ulcère profond de l’œil droit. Ils avaient également relevés des brûlures au 2ème ou 3ème degré sur le dos, ainsi qu’une perforation de la cornée à l’œil droit. Ainsi, la gravité des blessures ne pouvaient pas résulter d’un simple accident à l’eau bouillante… Alors que la loi prévoit jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende pour ce type de sévices graves, cet homme a finalement été condamné à 10 mois de prison ferme seulement…
De nos jours, la maltraitance animale est perçue par la majorité des Français comme étant un comportement inacceptable et condamnable. Néanmoins, en dépit de l’existence de lois visant à protéger les animaux en France, les condamnations restent souvent légères, voire symboliques, et ne sont souvent pas appliquées dans le respect des termes des lois protectrices ; ce qui est source de frustration pour de nombreux défenseurs des droits des animaux.
La fin de l’année 2021 est venue marquer un nouveau tournant décisif pour les animaux en France. La loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et à renforcer le lien entre les animaux et les hommes, propose de nombreuses mesures phares, et marque un nouveau pas en faveur de la protection des animaux en France, notamment des animaux de compagnie comme les chiens. De nombreuses propositions ont ainsi été adoptées par le Parlement afin de renforcer la protection des animaux en France et améliorer leurs conditions de vie. De nouvelles mesures ambitieuses telles que l’interdiction de vente de chiens et chats en animalerie à partir de 2024, le renforcement de certaines incriminations (zoophilie, zoopornographie), la mise en place d’un certificat engagement obligatoire avant l’acquisition d’un animal de compagnie ou la création d’une sensibilisation aux animaux de compagnie à l’école ont alors été adoptées.
Cependant, malgré les efforts pour proposer des améliorations progressives, les associations et les animalistes se retrouvent parfois frustrés en constatant que même les avancées les plus lentes et mesurées peuvent échouer à atteindre leurs objectifs. Des réglementations visant à réduire la souffrance et à améliorer la qualité de vie des animaux comme les chiens peuvent se heurter à des lacunes ou à une résistance persistante de certains lobbies, notamment dans le domaine de la petfood. Par exemple, il n’existe pas de contrôle de vérification du respect du certificat d’engagement et de nombreux éleveurs continuent de vendre leur chiens et leurs chats durant les salons (notamment après la fermeture du salon, sur les parkings et dans les hôtels). De même, les enseignants ne sont pas formés pour pouvoir proposer un cours sur la sensibilisation des animaux de compagnie à l’école…
Face à la multiplication de la médiatisation des actes de maltraitance, l’évolution des mœurs en faveur du bien-être animal, le développement des recherches sur les capacités cognitives des animaux et la reconnaissance de leur sensibilité, certains défenseurs de la protection animale se demandent s’il ne serait pas temps d’adopter des approches plus radicales pour créer des changements significatifs. Cette position, souvent associée à des activistes et des mouvements plus radicaux, suggère que l’acceptation graduelle de nouvelles mesures de protection peut être insuffisante pour répondre à l’urgence de la situation.
Cependant, l’approche radicale n’est pas sans controverses. Elle peut susciter des oppositions virulentes, créer des divisions au sein de la société et rencontrer des obstacles politiques et économiques considérables. La nécessité de trouver un équilibre entre des réformes graduelles et des actions radicales reste donc un défi complexe…
Un renforcement de la protection des chiens à venir
Si jusqu’à présent, chaque résidence pour séniors était libre d’accepter ou non les animaux de compagnie, la proposition de loi “bien vieillir” vient d’intégrer au cours du mois de mars 2024, la possibilité pour les résidents d’être transféré avec leur animal de compagnie (chien, chat, poisson et oiseau uniquement).
Ce dispositif, qui entrera en vigueur au printemps 2024, permettra aux résidents isolés de garder un contact avec leur compagnon de vie, sans stress et isolement, de lutter contre la perte d’autonomie, de conserver une occupation, une routine et une responsabilité aussi vis-à-vis d’un être vivant, mais permet surtout aux refuges de ne plus à avoir à assumer la responsabilité de ces animaux qui se retrouvaient jusqu’à présent, souvent, sans famille du jour au lendemain. Cette loi va donc également alléger le poids des refuges.
La proposition de loi interdisant la vente et l’utilisation pour les chiens et les chats des colliers électriques, des colliers dits “étrangleurs” et des colliers à pointes, sous peine de sanction pénale, a été adoptée par l’Assemblée nationale et sera prochainement votée au Sénat.
Le texte, qui a été amendé par les députés, prévoit d’interdire l’utilisation ainsi que la vente, l’achat ou le don de certains colliers pour les chiens et les chats : les colliers électriques anti-éloignement, anti-aboiements et d’éducation, les colliers étrangleurs sans boucle d’arrêt, qui font pression sur la gorge de l’animal, pouvant aller jusqu’à l’étranglement, pour le maîtriser et l’obliger à marcher avec une laisse, les colliers à pointe, des colliers avec pointe tournées vers l’intérieur qui s’enfoncent dans la gorge de l’animal lorsqu’une traction est exercée sur la laisse ou le collier ou lorsque l’animal tire sur sa laisse.
La publicité et les petites annonces sur ces colliers particulièrement coercitifs pour les chiens et les chats seront aussi interdites. Ainsi, un particulier qui utilisera un de ces colliers risquera une amende de 750 euros (3 750 euros en cas de récidive). Un professionnel du dressage ou de l’éducation canine encourra quant à lui, une amende de 3 750 euros. L’acheteur, le vendeur ou la personne qui donne ce type de collier se verra infliger 3 000 euros d’amende si c’est une personne physique (particulier…) et 15 000 euros d’amende si c’est une personne morale (société, vendeur en ligne…).
Alors qu’ils sont déjà interdits en Allemagne, en Finlande, au Danemark, en Slovénie, en Suède, en Suisse et en Australie notamment, aujourd’hui, ces colliers continuent d’être largement utilisés en France. Une étude de 2018 du Journal of Veterinary Behavior estime qu’un quart des chiens est équipé d’un collier électrique en France. Même dans le cadre d’une utilisation normale, ces colliers génèrent des souffrances physiques et psychiques pour l’animal qui sont aujourd’hui démontrées par la littérature scientifique. Les colliers électriques entraînent “des conséquences psychologiques importantes de stress, de terreur et d’anticipation de la douleur qui modifient durablement le comportement du chien même lorsque l’impulsion électrique n’a été envoyé qu’une seule fois”, ainsi que des lésions physiques (brûlures, pertes de poils, nécroses). Les colliers étrangleurs et à pointe sont quant à eux responsables “de perforation de la peau, d’écrasement de la trachée, de pression intraoculaire, d’instabilité cervicale, d’arthrose dégénérative ou de paralysie du nerf laryngée”. Ces risques sont accrus par la publicité faite sur ces colliers auprès d’un public mal informé. Le texte tarde à être examiné par le Sénat, depuis déjà plus d’un an…
Article rédigé par Déborah Goulet
Sources : Renan LARUE, La pensée végane : 50 regards sur la condition animale ; Le Point, “Les résidents en Ehpad pourront bientôt accueillir des animaux de compagnie” ; Vie Publique, Proposition de loi visant à interdire la maltraitance sur les chiens et les chats par l’utilisation de colliers étrangleurs et électriques ; Tribunal judiciaire de Marseille le 29/04/2021 parquet n°21070000012 ; Loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.