Evaluer le bien-être animal
Dans notre société contemporaine, la question du bien-être animal occupe une place centrale dans nos préoccupations collectives. En tant que détenteurs d’animaux de compagnie, éleveurs ou simplement êtres conscients de notre responsabilité envers les autres êtres vivants, nous cherchons tous à comprendre et à promouvoir le bien-être de nos compagnons non humains. Mais qu’entendons-nous réellement par « bien-être animal », et comment cette notion s’est-elle développée au fil du temps ?
Le développement des recherches sur le bien-être animal
Émergeant dans les années 1950, l’éthologie (étude du comportement des animaux ainsi que ses déterminants physiologiques, psychologiques et environnementaux) a permis aux chercheurs d’objectiver le mal-être dont souffrent les animaux lorsqu’ils sont utilisés par l’Homme. La question du bien-être animal s’est donc posée, notamment dans l’élevage et l’expérimentation, mais aussi pour les animaux de compagnie et ceux utilisés dans les loisirs.
Le livre Animal Machines écrit par Ruth Harrison, publié en 1964, dénonce pour la première fois les conditions de vie des animaux d’élevage au Royaume-Uni. Par cet ouvrage, l’auteure a souhaité inciter les scientifiques et les philosophes à se pencher sur la notion du bien-être animal. En réponse à ce livre, le conseil britannique, composé d’experts, a réalisé le rapport Brambell en 1965, afin de soulever la question du bien-être animal dans les élevages. Le rapport en a finalement conclu que tout animal doit avoir au moins la liberté de mouvement, c’est-à-dire pouvoir se déplacer sans difficulté, se coucher, se lever, étirer ses membres, etc.
Afin de s’assurer que cette recommandation serait prise en compte par les éleveurs et pour maintenir une surveillance dans les établissements d’élevage, le Farm animal Welfare council (FAWC), un organisme consultatif indépendant de la Commission européenne, a codifié en 1979, les cinq libertés sans lesquelles le bien-être d’un animal ne pourrait pas être respecté :
- L’absence de faim, de soif et de malnutrition ;
- La présence d’abris appropriés au confort ;
- L’absence de maladies et de blessures ;
- L’absence de peur et de détresse
- La possibilité d’exprimer des comportements normaux.
Néanmoins, si les experts estimaient que le bien-être animal était correctement mesuré et respecté avec les cinq indicateurs établis par la FAWC en 1979, il apparaît qu’aujourd’hui, ces critères ne sont plus suffisants.
Les études scientifiques récentes ont permis de découvrir que les animaux ont plus de capacités physiques et cognitives que les recherches avaient permis de trouver depuis les années 1950. La compréhension des satisfactions des animaux et les capacités à les évaluer ont considérablement évolué ces dernières années, et plusieurs définitions du bien-être animal ont été développées au fil des années.
En février 2018, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), qui est un organe officiel et habilité à émettre des avis d’experts, a d’ailleurs proposé une définition intéressante du bien-être animal. Elle prend en compte la notion d’état mental positif et la satisfaction des besoins et des attentes des animaux en tant qu’individus propres, c’est-à-dire leurs motivations et leurs préférences :
“Le bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal.”
Bien que proposant une définition prenant en compte le ressenti de l’animal dans son environnement, avec des critères individuels et contextuels, l’ANSES reconnaît que certaines notions sont encore difficiles à cerner en pratique. Elle déclare alors qu’elles sont susceptibles d’évoluer avec le progrès des connaissances, en particulier dans le domaine des capacités mentales des animaux qui conditionnent leur perception et leur représentation de la situation.
Enrichir l’environnement de son animal
La science a démontré, depuis longtemps déjà, que les animaux peuvent, pour la plupart, ressentir des émotions plus ou moins complexes, comme la joie, la peur, la colère, l’amusement, ou encore la tristesse. Ainsi, les chercheurs estiment que l’enrichissement de l’environnement dans lequel l’animal est détenu est incontournable pour améliorer son bien-être, car il permet de combler un vide pour l’animal captif. L’enrichissement de l’environnement permet à l’animal captif d’augmenter la diversité de ses comportements, de réduire la fréquence de ses comportements anormaux, comme la stéréotypie (comportement anormal d’un l’individu lié au stress, le poussant à reproduire le même mouvement de manière répétitive sans but apparent), ainsi que d’augmenter l’utilisation de son espace.
Après avoir analysé ses besoins en étudiant ses états mentaux, ses mouvements et ses postures, cinq types d’enrichissement peuvent alors être proposés à l’individu :
- L’enrichissement physique : structures temporaires ou permanentes dans
l’environnement de l’individu ; - L’enrichissement social : interactions possibles entre les individus ;
- L’enrichissement cognitif : jeux pour occuper “intelligemment” l’individu ;
- L’enrichissement sensoriel : activités pour solliciter les sens de l’individu (auditif,
olfactif, tactile, etc) ; - L’enrichissement alimentaire : façon de proposer la nourriture à l’individu.
L’évaluation du bien-être des animaux nécessite alors une bonne connaissance, non seulement sur la biologie de l’espèce concernée, mais aussi au niveau individuel, avec une connaissance de son comportement, de sa personnalité et de ses besoins. Face à la complexité de ces connaissances scientifiques, il n’est pas facile d’assurer le bien-être des animaux tenus en captivité par les êtres humains.
Malheureusement, chaque année, des associations telles que la SPA ou 30 millions d’amis viennent secourir des animaux de compagnie qui évoluent dans des conditions inadaptées, et tentent de réparer les erreurs commises par l’Homme, en répondant correctement à leurs attentes. Certains de ces animaux ne se débarrassent jamais complètement des séquelles de leur passé, et ne sont pas toujours prêts à retrouver une vie équilibrée et saine.
Article rédigé par Déborah Goulet